Qu’est-ce qu’une rétention de sperme ? C’est quand une femelle Gutt, qui a été reproduite avec un mâle, fait plusieurs pontes séparées et fertiles à la suite de cet unique accouplement. Elle stocke dans son organe reproducteur l’excédent de sperme pour l’utiliser plus tard.
C’est ce qui s’est passé chez moi en 2020.

Reproduction 2019

Pour retracer toute l’histoire et comparer, retournons en 2019.

Après quelques mois d’hivernation (2 de mémoire), le 08 mars 2019 a lieu la mue post-hivernation pour Opale. Celle-ci indique généralement le début de l’ovulation et de la période de reproduction. La femelle pèse alors 330 grammes à sa sortie d’hivernation.

Présentée à un premier mâle à la suite de cette mue, aucun lock n’est constaté, le mâle fuit, se met en boule dans un coin mais rien ne se passe… Changement de plan après quelques semaines et présentation d’un nouveau mâle.

Le lock est alors constaté le 19 avril. Entre la sortie d’hivernation et le lock, la femelle a reçu un nourrissage intensif afin de lui apporter des réserves pour surmonter la ponte. Elle est passée de 330 grammes à 487 grammes.

La mue de pré-ponte survient le 19 mai 2019, puis la ponte le 29 mai, soit 10 jours plus tard. La femelle pèse après ponte 333 grammes. Elle a donc perdu 154 grammes par rapport à la dernière pesée. Elle n’a malheureusement pas été pesée juste avant la ponte.

18 œufs sont pondus dont 4 slugs. 14 bébés naitront quelques semaines plus tard, le 30 juillet, soit 62 jours plus tard avec une température d’incubation de 27°.

Rétention de sperme 2020

Après 3 mois d’hivernation, les serpents sont tous réveillés mi-février. Les premiers repas ont lieu le 1er mars.

À la sortie d’hivernation, Opale pèse 320 grammes. J’ai peu sur-nourri après la ponte, elle a perdu 8 grammes pendant l’hivernation.

Les mues de tous mes spécimens s’enchainent dans les semaines qui suivent cette reprise de l’alimentation. Toutes sauf celle d’Opale. Nous voilà début avril et c’est la seule qui n’a pas mué alors qu’elle mange très bien.

À ce moment, je trouve cela étrange mais ne m’inquiète pas.

Le 23 avril, c’est son comportement qui m’intrigue. Suite à une vaporisation du terrarium (elle est en terrarium naturel planté), la voilà qui se met à creuser le sol. Au niveau de la morphologie, je la trouve maigre alors qu’elle a pris du poids : Le dos semble légèrement triangulaire par rapport aux flancs qui semblent élargis. Je la pèse à 386 grammes ce jour-là, une prise de poids qui semble rapide par rapport à la fréquence de nourrissage. Elle a pris donc 68 grammes en un peu plus d’un mois, ce qui sort des habitudes. Lors de la manipulation pour la pesée, une sensation de boules dans son corps m’intrigue. Tous ces éléments mis bout à bout (absence de mue, comportement, morphologie, présence de boules) commencent à me faire suspecter une gestation non prévue.

C’est seulement à ce moment que j’augmente la fréquence de nourrissage. Elle passe d’une souris 23-30g tous les 15 jours à une par semaine.

Le 24/05/2020, ça y est, enfin la première mue 2020 pour Opale… Je dispose une boîte de ponte dans le terrarium, qu’elle va aller visiter régulièrement pendant les jours à venir.

Le 30/05/2020, ça y est, elle refuse son repas. Je propose un petit rat (une dizaine de grammes), qu’elle renifle et boude. Donnant rarement du rat, je propose ensuite une sauteuse de souris afin de vérifier que ce ne soit pas l’odeur différente qui la rebute. Même réaction : elle semble intéressée, vient renifler et fini par se détourner. J’ai proposé plus petit car à ce stade de la gestation, les œufs prennent souvent une place importante, ce qui les empêche de prendre des proies de taille habituelle.

Ce refus me fait présager que la potentielle ponte s’approche. Je la pèse pour avoir une donnée de poids juste avant ponte : 392 grammes. Malgré la hausse de nourriture, elle n’a quasiment pas pris de poids depuis le début supposé de la gestation. Tout serait directement assimilé par les œufs ?

Je profite de cette pesée pour la palper et estimer le nombre d’œufs. Il me semble sentir une dizaine de boules.

Durant les jours qui suivent, le comportement typique d’avant ponte a lieu : exploration incessante de tout le terrarium, séjours prolongés dans la boîte de ponte, creusage du sol à la moindre humidification.

Le jeudi 02/06/2020, elle creuse la boîte de ponte, retourne la sphaigne, force contre les parois en plastique. Je rajoute de la mousse humide afin d’augmenter la hauteur de substrat et lui permettre de s’y enfouir totalement. Ce qu’elle fait, à partir du vendredi matin elle est enfouie sous la sphaigne, sans écaille qui dépasse.

Le vendredi en soirée, sa tête dépasse à un moment, mais c’est tout. Plus aucune sortie de la boîte.

Le vendredi 03/06/2020 vers 23h30, dernière vérification de la journée : une petite partie de son flanc est visible le long d’une paroi de la boîte. Des contractions musculaires ont lieu, non liées à un déplacement puisqu’elle fait du sur place. Je suppose alors que le travail est en route.

Supposition confirmée le lendemain à 8h30 lorsque je dégage du substrat pour la voir. Une grappe d’œuf est visible, tandis que la mère est bien lovée autour. Les œufs sur le dessus ont l’air viable, ceux du dessous présentent des formes moins rassurantes. Les œufs non fécondés en quantité sont fréquents lors de ce genre de ponte.

N’arrivant pas à voir s’il lui reste des œufs dans le corps, je la laisse tranquille jusqu’au lendemain.

J’en profite tout de même pour faire des relevés de température et d’humidité dans la boîte.

En fin de journée du samedi, la boîte est à une température ambiante de 26 degrés. Elle est située au point froid du terrarium, qui est chauffé par lampe.

L’hygromètrie à l’intérieur de la boîte est de 90% (substrat : sphaigne et mousse), tandis que l’hygro ambiante du terrarium est de 60%.

Une fois la lampe éteinte, la température chute jusqu’à 20° au cours de la soirée et pour le reste de la nuit.

Dimanche 07/06/2020 au matin, la femelle est toujours dans la boîte. Je laisse encore tranquille et n’intervient qu’à 13h45 pour vérifier la femelle.

Je la déloge de la boîte, la retire d’autour de ses œufs pour la palper et vérifier que la ponte est bien terminée. Une autre fois, j’aimerais la laisser avec les œufs pour voir au bout de combien de temps elle les quitterait naturellement. Mais cette ponte n’étant pas prévue, les slugs étant parfois un facteur aggravant de rétention et sa condition physique n’étant pas préparée, je préfère intervenir encore pour cette fois.

À la palpation, aucun œuf n’est senti, elle a bien tout évacué. Un petit tour par le bol d’eau où elle boit pendant quasiment une bonne minute, puis elle va se cacher dans le terrarium. C’est le moment de voir le résultat de cette ponte surprise.

Premier constat : je m’améliore à la palpation. 11 œufs se trouvent dans la boîte de ponte, disposés en grappe.

Deuxième constat : un grand nombre de slugs (œufs non fécondés) semblent présents. En effet, sur les 11 œufs, seuls 4 ont une apparence viable. Ils sont blancs, bien gonflés, fermes au touché et ne collent pas. Les autres œufs ont des formes et tailles très variables et sont très collants, la sphaigne reste adhérée.

Contrairement à l’année passée, les œufs se décollent facilement les uns des autres. J’arrive à isoler les œufs qui ont l’air viables des autres pour les placer dans une boîte direction l’incubateur. Cette année, j’essaie l’incubation à 26°.

Récapitulatif

La ponte par rétention de sperme a présenté un nombre d’œufs moins important que l’année précédente. Cela peut s’expliquer par le manque de semence, mais aussi peut-être la condition physique moins préparée.

Le nombre de slugs est très élevé, ce qui était attendu.

La perte de poids a été moins importante, mais cela peut être lié à la taille de la ponte plus petite.

Il est étonnant de constater qu’elle a gardé à peu de choses près un calendrier de reproduction assez proche de celui de l’année passée. Sans lock, il est impossible d’estimer une durée de gestation, mais la ponte n’est au final pas très éloignée de la date de l’année dernière (une dizaine de jours plus tard). Alors que, n’ayant pas besoin de mâle, elle aurait pu déclencher la ponte « quand elle le souhaite ». Quels facteurs influencent cela ? Des facteur environnementaux extérieurs ? (Température, ensoleillement…) Des facteurs physiques en fonction de la prise de poids ? Impossible de savoir à mon niveau.

Conclusion

La rétention de sperme est un événement relativement peu documenté dans les livres traitant du Pantherophis guttatus. Il est bien plus souvent évoqué une deuxième ponte qui a lieu la même année. Pourtant, celle-ci est bien moins systématique que ce qui est souvent écrit.

Dans mon cas, je n’ai eu aucune 2e ponte l’année dernière. Une possibilité est que le nourrissage n’a pas été assez intensif pour lui permettre de reprendre assez de forces pour en enchainer une deuxième, elle a alors attendu un an de plus pour utiliser le sperme restant.

Pourtant, en suivant les posts sur un groupe Facebook spécialisé Gutt depuis plusieurs années, je n’ai pas mémoire de cas de deuxième ponte dans l’année à partir d’une rétention de sperme. Par contre, les cas de pontes l’année suivante sans mise en présence d’un mâle sont moins rares. Les deuxièmes pontes la même année sont plus fréquentes lorsqu’elles sont planifiées : après la première ponte, la femelle est remise avec un mâle.

Cela montre aussi que nous avons beau vouloir contrôler, planifier la nature, avoir pour passion des animaux nous rappelle qu’ils gardent toujours une maîtrise de leur propre vie malgré la captivité. C’est à nous de nous adapter, et de savoir les observer pour réagir au mieux.

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