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Je vois souvent, via des demandes sur la page Facebook Guttatophiles ou sur des groupes Facebook, des personnes qui s’inquiètent parce que leur Gutt juvénile a loupé un repas ou plus.

L’article d’aujourd’hui ne parlera pas de Gutt, mais il aura l’intérêt de rappeler que les serpents ont bien plus de réserves que l’on a tendance à le croire de notre expérience de leur vie captive. Il présentera aussi quelques méthodes de démarrage d’un juvénile et de présentation de proie, avant d’essayer toute méthode de semi-gavage ou gavage.

Présentation de l’animal : Elaphe climacophora

Je n’avais encore pas du tout présenté ce nouveau venu que ce soit sur le site ou la page Facebook, car j’attendais qu’il mange 😉 Voici son histoire :

Il (ou elle, sexe indéterminé) est né le 1er septembre 2017. Fin octobre, peu de temps avant la bourse d’Arras, je tombe sur l’annonce leboncoin de sa mise en vente. L’Elaphe climacophora était la dernière espèce que je voulais absolument avoir, mais j’avais des exigences précises : je voulais un spécimen bleuté. C’est une caractéristique de la localité Kunashir, dont l’origine assurée est parfois difficile à vérifier. Comme toute localité, cette dénomination finira sûrement par perdre de sa valeur, et désigner des spécimens bleutés sans assurance de la lignée.

Ici le jeune serpent ratier japonais n’était pas indiqué comme Kunashir, mais les parents présentaient un début de corps joliment bleuté. De plus, en voyant leur photo, je me suis rappelée les avoir vu en vidéo sur Youtube et avoir déjà craqué à ce moment-là. Le petit, seul né de la ponte, présentait des reflets turquoise sur le corps.

Durant les échanges de mail, le vendeur a bien précisé qu’il ne pouvait assurer que le petit présenterait une couleur bleue comme ses parents ou que la localité était de la Kunashir assurée. Il me prévient également rapidement que le petit a eu ses premiers repas via du gavage.

N’ayant jamais eu de démarrage à faire, cela m’inquiète d’abord. Puis à la vue des dates de nourrissage, il me semble que le gavage a été entrepris un peu tôt. L’animal a donc des réserves, et d’après les expériences variées d’éleveurs chevronnés, j’estime avoir quelques mois d’essais devant moi avant qu’un jeune impacte sa santé. De plus, le coup de cœur est là ! Je décide donc que ce sera l’occasion d’essayer différentes méthodes de démarrage en vue de mon futur projet de reproduction, je serai moins stressée à ce moment-là. Enfin, deux éleveurs de longue date me soutiennent et me conseillent via messagerie durant toutes les tentatives.

Rappel : le gavage consiste à insérer de force au fond de la gorge du serpent la proie entière. Cela est très traumatique pour l’animal ! Et peut irriter voire blesser la gorge de l’animal si mal effectué. C’est une technique à n’utiliser qu’en tout dernier recours ! Toujours procéder au semi-gavage avant (si TOUTES les autres techniques ont été testées et ont échoué, et que l’animal perd du poids).

Informations sur l’espèce Elaphe climacophora

L’Elaphe climacophora, ou serpent-ratier du Japon est une couleuvre de taille moyenne (1m50-1m80) de couleur vert métallique. De nombreux reflets parcourent ses écailles. On trouve une mutation albinos naturelle, vénérée et protégée par les habitants du coin. Une mutation lignée se trouve également en captivité.

Peu fréquente dans nos terrariums français bien qu’elle ne présente pas de difficulté d’élevage majeur, cette couleuvre se nourrit facilement de rongeurs. Dans la nature elle semble aimer les points d’eau, de nombreuses vidéos montrent des spécimens nageant dans des cours d’eau ou des canaux.

Tentatives de démarrage d’un Elaphe climacophora juvénile

Le 5 novembre, je récupère l’animal en soirée via un blablacar qui a gentiment accepté de prendre ce petit dans sa voiture. Coup de chance, car les trajets de covoiturages n’étaient pas nombreux ce jour-là, et le timing était serré avec l’aller-retour à Arras de mon côté qui avait bien sûr été effectué dans la même journée. Que de kilomètres ce jour-là !

Le climacophora juvénile est installé au chaud dans sa grande fauna aménagée, puis une semaine plus tard, commencent les tentatives de nourrissage.

1er essai le 12 novembre : rosé décongelé à l’eau posé une nuit dans la fauna

On commence par la méthode classique, mais parfois le changement d’environnement peut les décider. À ce moment-là, le petit pèse 20g et n’a pas mangé depuis le 18 octobre, c’est-à-dire un peu moins d’un mois. Rien ne presse, il a toujours ses réserves de ses repas gavés précédents.

La proie est présentée à la pince, mais l’animal se détourne et la fuit constamment. Il ne semble absolument pas intéressé. Je le tapote gentiment avec la proie pour essayer de l’énerver et le faire taper le rosé, mais celui-ci se défile constamment. Je pose donc le rosé de souris sur le sopalin à l’entrée de la cachette pour la nuit. Au matin, la proie est toujours là, poubelle donc malheureusement.

2e essai le 19 novembre : rosé décongelé sur radiateur avec un poussin congelé

J’essaie ensuite une recommandation d’un ami éleveur qui a un très bon taux de réussite sur ses Gutts et régius : un rosé frotté sur du poussin. Pour maximiser les résultats, je décongèle le rosé dans le sac de congélation du poussin sans utiliser d’eau afin de garder toutes les odeurs. Nouvelle présentation à la pince, même comportement que la fois précédente, la proie est refusée à nouveau. Je la frotte alors sur un bout de mue d’iguane que j’avais demandé à une connaissance et je lui perce le crâne, le tout pour le tout ! Pas plus attrayant…

3e essai le 21 novembre : grillons vivants

Suite à ces échecs, j’essaie une proie un peu différente : du grillon vivant ! En effet, dans la nature les portées de jeunes souris ne sont pas forcément simples à trouver. Les serpents prennent donc ce qui leur tombe sous la gueule pour commencer, et cela peut être des bébés lézards ou des insectes ! 2-3 grillons vivants sont placés dans la faunabox, avec des fruits et du coton humidifié pour qu’ils s’alimentent. À la fin de la semaine, les stridulations sont toujours là, pas un seul grillon mangé.

Dans les jours qui suivent après prise de conseils sur un groupe spécialisé en colubridés asiatique, des éleveurs anglais me conseillent de le faire hiverner. En effet, d’autant plus pour les juvéniles nés en fin d’année, la baisse de luminosité influence sur leur horloge biologique, qui les préviennent de se mettre à l’abri du froid et d’attendre le printemps, coupant toute envie de s’alimenter. Trouvant l’idée intéressante et avec une logique de reproduction du cycle naturel qui me plaît, je me mets en quête d’une cave à vin électrique descendant à au moins 12°pour y placer le petit.

25 novembre : pesée du petit : pas un gramme de perdu.

C’est bon signe, je me motive donc pour l’hivernation et commence une baisse progressive des températures. Celle-ci se fera sur environ 2 semaines jusqu’à atteindre 12° dans la cave à vin. Le petit a à cette occasion gagné une faunabox plus petite et spartiate. L’eau est changée seulement une fois par semaine pour éviter au maximum le dérangement.

3 décembre environ : c’est parti pour plus d’un mois d’hivernation ! Cette technique est parfois utilisée chez les espèces délicates avec beaucoup de succès.

Mi-janvier, hausse progressive des températures. Une fois la température revenue à la normale (aux alentours de 28°), je décide de le laisser dans sa fauna plus restreinte plutôt que de le remettre dans sa fauna « grand luxe ». Comme il y a passé 1 mois et demi il y est sûrement plus rassuré et l’environnement davantage imprégné de son odeur.
Pas de pesée à la sortie de l’hivernation car j’ai voulu limiter les manipulations et le stress au maximum.

4e essai le 29 janvier : un rosé décongelé avec un poussin

Une semaine après un retour à la normale des températures, je retente avec un souriceau congelé présenté dans la faunabox. La boîte est couverte pour que l’animal soit dans le noir. Malheureusement nouveau refus, je commence à m’inquiéter.

Il reste une dernière méthode que l’on m’a conseillé et que je n’ai pas testé : le rosé de souris trempé dans du jus de thon. Des éleveurs me confortent dans la réussite de cette méthode avec certaines espèces difficiles.

5e essai le 4 février : rosé décongelé dans du jus de thon

La méthode est la suivante : acheter une boîte de thon au naturel, en récupérer le jus, chauffer celui-ci au micro-onde puis décongeler la proie dedans.

Le tout pour le tout avant le passage au semi-gavage, je groupe toutes les méthodes. Le climacophora est placé dans une boîte à grillons sur un tapis chauffant avec le rosé de souris décongelé au jus de thon, et un rosé décongelé à l’eau ayant le crâne percé (on ne sait jamais que l’une ou l’autre odeur lui ouvre l’appétit). La boîte est alors couverte d’un linge opaque, et je reviens voir le résultat uniquement le lendemain matin.

Miracle ! Les deux rosés sont dans le ventre du climaco au matin. Dommage que du coup, je ne sache pas exactement quel rosé a ouvert son appétit. Mais lors de sa mise dans la boîte, il m’a semblé intéressé par le rosé « saveur thon ». Mais voulant éviter tout stress j’ai vite couvert la boîte pour le laisser tranquille.

Photos moches mais je n'avais pas pensé sur le coup que je pourrai les utiliser plus tard ;)

Photos moches mais je n’avais pas pensé sur le coup que je pourrai les utiliser plus tard 😉

Pour le moment, pas de soucis depuis ce démarrage !

Le 11 février, je présente un rosé à tête percée à la pince. Il ne tape pas mais semble intéressé, dardant la langue frénétiquement et s’agitant frénétiquement dans sa cachette. Je pose le rosé dans la fauna, et 30 minutes plus tard en repassant je constate que la proie a été avalée.

Les amis éleveurs me conseillent alors de ne plus proposer que du rosé « nature », sans aucun artifice, ceci afin d’éviter qu’il ne s’habitue à un goût particulier et ne mange plus que ça.

Le 18 février, présentation d’un rosé à la pince, qui après quelques secondes sans bouger est pris à même la pince. Ce petit semble bien parti ! La fréquence de nourrissage va temporairement être augmentée à tous les 5 jours afin qu’il reprenne des forces. Je ne l’ai pas repesé, mais il a tout de même passé 16 semaines soit plus de 3 mois sans manger.

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Conclusion

Il ne faut donc pas paniquer si un serpent loupe ou deux repas. Ils ont généralement des réserves pour tenir. À la naissance, les petits absorbent le contenu du sac vitellin, ce qui leur donne des forces pour leurs premières semaines de vie sans manger.

Attention ! Le cas abordé ici est pour des colubridés ! Des éleveurs m’ont informé que chez le Python regius, après à peine un à deux mois, les nouveau-nés qui n’ont pas démarré dépérissent rapidement. Le semi-gavage et gavage est donc plus fréquent chez cette espèce, et sans doute d’autres. Renseignez-vous bien sûr en fonction de votre espèce. L’expérience qui m’a été partagée est que les nouveau-nés couleuvres sont généralement bien plus résistants, mais bien sûr des cas particuliers peuvent survenir en fonction des espèces.

Les Gutt par exemple sont des durs à cuire qui peuvent se passer plusieurs mois de manger. Un juvénile ou adulte qui dépérit rapidement après seulement quelques repas de loupés est peut-être malade ou victime d’une pathologie. Une prise en charge vétérinaire rapide est donc conseillée.

En complément je vous invite également à lire le Reptil’mag numéro 69, dont un article est dédié au démarrage des ophidiens. Un tableau statistique indique notamment un taux de démarrage bien plus important lorsque la proie est présentée 1 mois après la naissance du juvénile. La patience est donc de mise ! Et c’est d’autant plus important en terrariophilie, où la précipitation peut amener à des soucis pour l’animal. Quarantaine évitée qui conduit à la propagation de maladies ou acariens, nourrissage trop fréquent, manipulations trop fréquentes, ouverture de l’incubateur trop fréquente ce qui impacte le taux d’humidité et la réussite de l’incubation…

En résumé, que ce soit pour un démarrage ou suite à un refus de s’alimenter, ne paniquez pas ! Les serpents ont des réserves et beaucoup de méthodes sont à tenter avant de passer au gavage 😉

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